Toute personne qui se lance dans la généalogie ne peut être que saisie par la rapidité à laquelle les veufs et veuves se remariaient. En 1679, avec la fable de la jeune veuve Jean de La Fontaine illustre à merveille ce phénomène de société aujourd'hui disparu dans nos contrées.
La perte d'un époux ne va point sans soupirs
On fait beaucoup de bruit et puis on se console
Sur les ailes du temps la tristesse s'envole
Le temps ramène les plaisirs
Entre la veuve d'une année
Et la veuve d'une journée
La différence est grande : on ne croirait jamais
Que ce fût la même personne
L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits
Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne
C'est toujours même note et pareil entretien
On dit qu'elle est inconsolable
On le dit, mais il n'en est rien
Comme on verra par cette fable
Ou plutôt par la vérité
L'époux d'une jeune beauté
Partait pour l'autre monde. A ses côtés sa femme
Lui criait : Attends-moi, je te suis, et mon âme
Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler
Le mari fait seul le voyage
La belle avait un père, homme prudent et sage
Il laissa le torrent couler
A la fin, pour la consoler : Ma fille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes
Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ?
Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts
Je ne dis pas que tout à l'heure
Une condition meilleure
Change en des noces ces transports
Mais après certain temps souffrez qu'on vous propose
Un époux, beau, bienfait, jeune et tout autre chose
Que le défunt. Ah ! dit-elle aussitôt
Un cloître est l'époux qu'il me faut
Le père lui laissa digérer sa disgrâce
Un mois de la sorte passe
L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours
Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure
Le deuil enfin sert de parure
En attendant d'autres atours
Toute la bande des Amours
Revient au colombier, les jeux, les ris, la danse
On aussi leur tour à la fin
On se plonge soir et matin
Dans la fontaine de Jouvence
Le père ne craint plus ce défunt tant chéri
Mais comme il ne parlait de rien à notre belle
Où donc est le jeune mari
Que vous m'avez promis, dit-elle.
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